Du velours texturé de douceur et de volupté
Dans la série Azimuts & Jazz/Monde, Diffusions Amal'Gamme présentait Tango Boréal - Couleur Tango, à la salle de spectacles Saint-François-Xavier de Prévost, le samedi, 12 octobre 2024.
En quelques mesures, nous sommes propulsés dans l'univers des faubourgs de Buenos Aires, dans une ambiance de culture ouvrière, d'étreintes étroites, de séduction et de nostalgie. Trois exceptionnels musiciens foisonnant de talent et de passion nous y convient : Ian Simpson à la contrebasse, David Jacques à la guitare et Denis Plante, compositeur et arrangeur, au bandonéon.
Tango Boréal, c'est des rythmes complexes soutenus par une profondeur émotionnelle qui définissent bien le tango argentin. Ce petit ensemble interprète à sa manière originale la musicalité que l'on ressent comme du velours texturé de douceur et de volupté.
Le répertoire nous propose des œuvres écrites par un bandonéoniste virtuose, Astor Piazzolla (1921-1992), réputé comme étant le plus grand compositeur de musique de tango au monde, et des pièces composées par Denis Plante.
On commence avec Adios Muchachos, un tango popularisé au Québec par Alys Robi (1944), le bandonéon - petit orgue portatif- tiendra la vedette tout au long du concert. Cet instrument posé sur le genou de Denis Plante qui se tient debout, aura bientôt cent ans. Il partira en Allemagne (seul endroit où l'on peut lui prodiguer des soins) pour une y subir une cure de jouvence. Son âge vénérable ne l'empêche toutefois pas d'émettre des sons d'une précision et d'une musicalité extraordinaires. Ce bijou est rempli de douceur et de volupté. Il arrive à se distendre complètement en s'abandonnant sur le genou du bandonéoniste, témoignant ainsi de la connexion et de la confiance mutuelle entre le musicien et son instrument.
Ménage à trois (Mécénat Musica 103.2 Tango Boréal) de Denis Plante nous fait entendre l'évolution historique du tango à partir du milonga jusqu'au tango à deux temps. L'été à Buenos Aires (Las Cuatro Estaciones Portenas) où Astor Piazzolla utilise les harmonies du jazz en les intégrant au tango traditionnel, ce qui révolutionnera le tango traditionnel en un nouveau style appelé nuevo tango.
Un extrait inspiré de Roméo et Juliette nous permet d'imaginer la longue ascension de Roméo sur un mur de lierre afin d'aller cueillir un baiser de Juliette en nous faisant entendre le plus long phrasé musical jamais écrit pour un bandonéon. Romantique à souhait!
La présence sur la scène d'excellents musiciens que nous connaissons rend extraordinaire l'aventure proposée. David Jacques à la guitare est tout simplement époustouflant. La douceur, le lyrisme la façon si singulière avec laquelle il joue, son amour pour cet instrument se ressentent à tous instants. On connaît ses multiples talents de musiciens, de conférencier, de gardien de l'histoire, dont celui de préserver amoureusement sa précieuse collection de guitares qu'il a déjà présentée ici sur ces planches et qui avait ravi le public. Ian Simpson, que dire de ce si talentueux musicien, dont la contrebasse constitue la deuxième nature. Hyper inspirant, il est très beau à regarder jouer.
La Cité Piazzolla, une pièce dans laquelle le trio nous transporte au cœur de Buenos Aires, au Centre-ville, sur une avenue large de dix-huit voies! On entend les klaxons, la densité, le vrombissement des moteurs. Tout y est. La suite de l'ange (Piazzolla), une pièce douce et sentimentale qui raconte l'histoire d'un ange qui apparaît dans un immeuble de Buenos Aires pour purifier l'âme des habitants. C'est magnifique. Pour terminer, Pampa Blues, du tango avec des inflexions de blues. C'est suave.
Un concert de très haut niveau par des instrumentistes sensibles, exprimant la musique avec une émotion contagieuse et à fleur de peau. La beauté et l'élégance, du velours pour nos oreilles.
Carole Trempe